lundi 26 Mai 2025
Dans un communiqué publié le 23 mai, BAGO, l'association des opérateurs de jeux agréés en Belgique, a réagi au documentaire « Paris perdus - Enquête sur les paris sportifs » diffusé sur la RTBF. Si elle appelle à intensifier la lutte contre les sites illégaux, le reportage met en lumière les limites et contradictions de cet argument, souvent utilisé comme paravent pour justifier un marketing agressif.
Diffusé le 22 mai 2025 sur la RTBF dans le cadre de l'émission Doc Shot, le documentaire « Paris perdus - Enquête sur les paris sportifs » s'attaque aux coulisses du marché des paris sportifs en Belgique. Face à cette enquête incisive, BAGO (Belgian Association of Gaming Operators), qui représente les opérateurs de jeux agréés, a publié une réaction officielle. L'association salue l'exposition des risques, mais recentre immédiatement le débat sur un thème qu'elle juge central : la prolifération des sites illégaux.
Dans son communiqué, BAGO souligne que « les plateformes illégales échappent à tout contrôle et exposent les jeunes à des risques graves d'addiction et de fraude ». L'association appelle les autorités à redoubler d'efforts pour interdire ces sites, rappelant que ses propres membres sont soumis à des obligations strictes en matière de prévention et de protection des joueurs.
Mais cette rhétorique de la "canalisation vers l'offre légale" est précisément l'un des points mis en question dans le documentaire.
Le documentaire ne nie pas l'existence de la menace représentée par les sites illégaux, mais il en relativise la portée. Une séquence est particulièrement éloquente : sur 19 sites illégaux les plus cités par les jeunes, les journalistes n'ont pu accéder qu'à 6 homepages. Une efficacité partielle mais réelle des mesures de blocage ? Ou une menace exagérée ? L'ironie, selon le reportage, réside ailleurs : certains sites illégaux et légaux appartiennent au même groupe. C'est notamment le cas de Ladbrokes et Eurobet, toutes deux propriétés d'Entain. Les deux marques se côtoient dans les mêmes salons professionnels à Barcelone (SBC Summit), brouillant les frontières entre légal et illégal.
Autre critique développée dans le documentaire : l'argument de la canalisation, selon lequel l'offre légale permettrait d'éviter que les joueurs ne basculent vers des plateformes illégales. Pour les auteurs de « Paris perdus », cet argument ne tient pas, car les opérateurs légaux n'ont pas freiné leur stratégie d'expansion, bien au contraire.
Ces dernières années, les efforts marketing se sont massivement intensifiés, visant des publics spécifiques comme les jeunes et les femmes, considérés comme des marchés à conquérir. Loin d'un rôle de prévention, cette dynamique est perçue comme une volonté de captation de nouveaux joueurs.
Dans le reportage, le député fédéral Stefaan Van Hecke (Groen), auteur de la loi de 2024 encadrant les paris sportifs, rejette l'approche prônée par les lobbys du secteur. Il résume ainsi l'état d'esprit de ces derniers : « Laissez-nous faire, mais concentrez-vous sur l'illégal ». Une posture qu'il juge déséquilibrée. Pour lui, une politique efficace doit reposer à la fois sur une législation stricte et un véritable contrôle de l'offre légale, en plus d'une lutte contre le secteur illégal.
Le communiqué de BAGO appelle, une fois de plus, à un renforcement de la lutte contre les opérateurs non agréés, ce qui reste légitime. Mais le documentaire met en lumière les ambiguïtés du secteur légal, qui, tout en s'érigeant en rempart contre l'illégalité, multiplie les stratégies commerciales agressives.
Si la canalisation est un objectif louable, elle ne peut être crédible que si l'offre légale se montre réellement responsable, transparente, et détachée des logiques purement lucratives. Autrement, l'argument devient un écran de fumée, dénoncé à juste titre par les journalistes et certains responsables politiques.