mardi 23 Janvier 2024
En Belgique, la Loterie nationale jouit d'un monopole en échange d'une rente de 145 millions d'euros par an versée à l'État. Ce statut lui permet de profiter d'une immunité vis-à-vis des autres opérateurs notamment en termes de contraintes légales. Elle n'est notamment pas soumise à l'interdiction de publicité, ni aux limites en ligne. Le Conseil d'État vient cependant de rendre un avis qui pourrait changer la donne. Selon lui, les jeux de la Loterie nationale seraient aussi addictifs que ceux du privé et devront donc être soumis aux mêmes restrictions.
Le Conseil d'État a analysé trois amendements déposés par les députés N-VA Jean-Marie Dedecker et Christophe D'Haeese. Les textes visent à modifier une loi en préparation depuis mai 2019 sur les jeux de hasard. Celle-ci prévoit notamment une interdiction de la publicité pour les jeux, un plafond de dépenses, un abaissement des limites en ligne et une restriction sur l'âge. Constamment amendé, le texte fait l'objet de plusieurs conflits depuis 5 ans.
D'un côté, il y a en effet ceux qui défendent la Loterie Nationale afin de protéger et justifier la rente versée par celle-ci. De l'autre se trouvent les défenseurs du privé qui dénoncent le traitement privilégié accordé à l'opérateur d'État. À noter que le texte a été déposé par Stefaan Van Hecke (Ecolo-Groen) et soutenu par les partis de la majorité (PS, Vooruit, Ecolo, Groen, MR, Open VLD).
Les trois amendements déposés récemment proposent de supprimer l'article 3 qui considère que la Loterie nationale n'est pas concernée par la loi sur les jeux de hasard ( Ne sont pas des jeux de hasard au sens de la présente loi les loteries au sens de la loi du 31 décembre 1851 sur les loteries, de la loi du 22 juillet 1991 relative à la Loterie nationale et des articles 301, 302, 303 et 304 du Code pénal ). Le Conseil d'État a rendu son avis le 15 janvier en faveur de ces modifications. Si elles sont adoptées par la majorité à la Chambre, cela obligerait l'opérateur d'État à se soumettre aux mêmes conditions que les acteurs privés. Il devra notamment renoncer à la publicité pour ses jeux dans les médias. Selon Jean-Marie Dedecker, plusieurs études montrent que les jeux de la Loterie sont aussi dangereux que ceux du privé ce qui devrait suffire à les traiter sur le même pied d'égalité devant la loi.
La Loterie Nationale a toujours suscité les controverses en raison de son statut. Celui-ci est critiqué depuis plusieurs années par l'opposition, mais aussi les opérateurs privés. L'étincelle qui a remis de l'huile sur le feu est cependant l'adoption au forceps de l'arrêté royal sur l'interdiction de la publicité par le ministre Van Quickenborne. Le texte est entré en vigueur le 1er juillet 2023 et vise à rendre impossible la promotion des jeux légaux sur tous les canaux traditionnels et en ligne. Cet avis du Conseil d'État devrait cependant remettre l'arrêté en question.
De son côté, l'opposition continue la bataille parlementaire. Le député nationaliste de Middelkerke, par exemple, est monté au créneau en indiquant qu'il n'y avait aucune raison de privilégier la Loterie au détriment des autres sociétés. Vanessa Matz a quant à elle dénoncé : « il y a peut-être dans votre majorité des lobbys pour la Loterie nationale ». De son coté, Nabil Boukili du PTB a indiqué que : « si l'on doit interdire les jeux de hasard aux personnes atteintes d'addiction aux jeux et que la Loterie nationale peut y jouer un rôle et qu'elle ne le fait pas, il y a un problème ».
Magali Clavie, la présidente de la Commission des jeux de hasard, lors d'une interview à la matinale de Bel RTL en février dernier, s'interrogeait déjà sur l'exception accordée à la Loterie Nationale concernant la publicité des jeux en ligne.