mercredi 11 Septembre 2024
L'interdiction de la publicité pour les jeux d'argent, en vigueur depuis juillet 2023 en Belgique, a marqué une étape importante dans la régulation des jeux de hasard. Toutefois, les experts estiment que cette interdiction partielle ne suffit pas à réduire les dommages liés aux jeux d'argent. Des mesures supplémentaires, telles qu'une interdiction totale de la publicité, sont jugées nécessaires pour protéger efficacement les groupes vulnérables, notamment les jeunes.
En juillet 2023, la Belgique a introduit une interdiction partielle de la publicité pour les jeux d'argent, une décision saluée comme un pas important dans la régulation d'un secteur en forte expansion. Pourtant, un peu plus d'un an après son entrée en vigueur, des voix s'élèvent déjà pour souligner les limites de cette mesure. Les experts en santé publique, comme les chercheurs Bram Constandt et Steffi De Jans, estiment que pour être réellement efficace, une interdiction totale serait nécessaire. Cet article analyse les contours de cette nouvelle législation, ses premiers effets et les ajustements requis pour mieux protéger les populations vulnérables.
La nouvelle réglementation introduite par le gouvernement belge interdit la plupart des formes de publicité pour les jeux d'argent sur les plateformes traditionnelles et numériques. Ainsi, les publicités ciblées, comme les emails ou les SMS, et les publicités non ciblées, à la télévision ou sur les réseaux sociaux, ont été interdites. Néanmoins, cette interdiction reste partielle en raison de plusieurs exceptions. Le sponsoring sportif, par exemple, reste permis jusqu'à la fin de 2024, et des publicités peuvent encore figurer sur les maillots de sport, tant qu'elles ne sont pas affichées à l'avant, jusqu'à la fin de 2027.
Cette mesure transitoire met en évidence la complexité d'une interdiction totale dans un secteur fortement intégré au paysage médiatique et sportif. Selon Constandt et De Jans, le sponsoring sportif est une forme de promotion subtile et pernicieuse, qui touche particulièrement les jeunes. Beaucoup d'entre eux, déjà exposés à des contenus liés aux paris en ligne, sont influencés sans toujours s'en rendre compte.
Face aux restrictions imposées par l'interdiction, les opérateurs de jeux d'argent ont rapidement réagi en ajustant leurs stratégies. Ils redirigent désormais leurs budgets publicitaires vers des canaux encore autorisés, comme leurs propres sites web ou en s'associant à des organisations caritatives via leurs initiatives de responsabilité sociale. Constandt explique que ces manœuvres permettent aux opérateurs de maintenir leur visibilité tout en respectant la législation, exploitant ainsi les failles existantes dans la réglementation.
Ce transfert de budget vers des espaces publicitaires encore autorisés démontre la résilience de l'industrie du jeu, qui continue à contourner les restrictions pour influencer les consommateurs, particulièrement les groupes à risque.
Bien que l'interdiction partielle ait permis de réduire la visibilité des publicités pour les jeux d'argent, notamment à la télévision, à la radio et sur les réseaux sociaux, les chercheurs insistent sur le fait qu'elle ne va pas assez loin. Selon plusieurs études, dont celles de Bouguettaya et Thomas, il existe une corrélation directe entre la quantité de publicité pour les jeux d'argent et les comportements à risque, en particulier chez les jeunes. Plus la publicité est présente, plus les attitudes envers le jeu se normalisent, augmentant ainsi les comportements problématiques.
Une interdiction totale est donc nécessaire pour réduire ces dommages, affirment les chercheurs. Steffi De Jans met en avant le fait que les jeunes sont particulièrement influencés par des formes de publicité moins visibles, telles que le sponsoring sportif. Ce type de promotion peut, de manière insidieuse, renforcer des attitudes positives envers les jeux de hasard.
En plus des limites inhérentes à une interdiction partielle, l'application de la loi reste un enjeu majeur. Selon les données de 2023, seulement 21 % des amendes liées aux infractions à la législation sur les jeux d'argent ont été perçues. Cela s'explique en partie par le manque de ressources humaines et financières au sein de la Commission des jeux de hasard, chargée de faire respecter la réglementation. Sans une surveillance rigoureuse, même les meilleures lois risquent de rester lettre morte.
Cette lacune dans l'application affaiblit l'impact de l'interdiction, rendant certaines infractions impunies et réduisant ainsi l'efficacité de la législation.
Bien que l'interdiction de la publicité pour les jeux d'argent en Belgique soit encore loin d'être parfaite, elle offre des enseignements précieux pour d'autres pays envisageant des mesures similaires. L'exemple belge montre qu'une interdiction partielle peut avoir un effet significatif, mais qu'un cadre législatif plus strict et une application rigoureuse sont indispensables pour réduire les méfaits liés aux jeux d'argent.
Le 1er septembre 2024, une nouvelle loi en Belgique a renforcé les mesures actuelles en interdisant les bonus de jeux et en augmentant l'âge minimum pour jouer à 21 ans. Cette approche globale vise à réduire davantage l'influence des opérateurs de jeux et à protéger les populations vulnérables.
L'interdiction partielle de la publicité pour les jeux d'argent en Belgique constitue une avancée significative, mais elle doit être accompagnée d'une interdiction totale et d'une application plus stricte pour être pleinement efficace. La protection des groupes vulnérables, comme les jeunes, passe par une réglementation qui empêche l'industrie du jeu d'exploiter les failles et les exceptions. L'expérience belge pourrait servir de modèle aux autres pays cherchant à limiter les dommages causés par les jeux d'argent, tout en soulignant l'importance d'une régulation solide, appuyée par des recherches scientifiques indépendantes et une politique de santé publique cohérente.