mercredi 24 Juillet 2024
Le secteur des jeux de hasard en Belgique connaît une croissance impressionnante depuis plusieurs années, alimentée par l'essor des plateformes en ligne et des paris sportifs. Toutefois, cette expansion rapide met en lumière les lacunes de son régulateur, la Commission des Jeux de Hasard (CJH), confrontée à un manque criant de ressources pour remplir ses missions. Cette situation, loin d'être nouvelle, a atteint un point critique, suscitant l'inquiétude de Magali Clavie, présidente de la Commission.
Le marché des jeux de hasard en Belgique est en plein boom. En 2023, le secteur privé a généré un revenu brut des jeux de plus de 1,7 milliard d'euros, dont 55 % provenant des activités en ligne. Chaque jour, on compte environ 160.000 joueurs en ligne et 17.000 joueurs dans les établissements physiques tels que les casinos, les salles de jeux et les agences de paris. Ce dynamisme s'est particulièrement illustré lors d'événements comme l'Euro de football, où la participation a atteint des sommets.
Face à cette croissance, la CJH est chargée de réguler un vaste secteur comprenant 9 casinos, 175 salles de jeux, 4.667 cafés avec des machines de jeux, 467 agences de paris, 1.484 librairies avec des bornes de paris, 173 fournisseurs, et une soixantaine de sites de jeux ou de paris en ligne. Cependant, les effectifs de la Commission sont en déclin. En 2011, la CJH comptait 41 employés. Aujourd'hui, elle n'en dénombre plus que 33, alors que le plan de personnel 2021-2025 prévoit 57 équivalents temps plein. La cellule de contrôle, essentielle pour vérifier le respect de la législation, se compose seulement de cinq personnes.
Ironiquement, le problème n'est pas un manque de fonds. Les opérateurs de jeux versent annuellement une contribution à la Commission, générant environ 8 millions d'euros, dont 3,5 millions sont destinés au personnel. Pourtant, chaque année, une partie de ce budget reste inutilisée et est reversée au Trésor public. La CJH, dépendante du SPF Justice pour le recrutement, ne peut gérer son personnel de manière autonome, ce qui ralentit le processus de renforcement des effectifs.
Magali Clavie tire la sonnette d'alarme. Depuis son arrivée en 2020, elle a tenté de restructurer et de renforcer la Commission, mais sans succès significatif. « Un régulateur qui ne contrôle pas n'est pas un régulateur », affirme-t-elle. Clavie appelle à deux réformes majeures : permettre à la CJH de gérer de manière indépendante son recrutement et s'assurer que toute nouvelle réglementation soit accompagnée des moyens nécessaires à son application.
Le cri d'alarme de la CJH n'est pas une première. En 2015, la Commission avait déjà dénoncé son manque de ressources, une situation qui persiste et s'aggrave avec le temps. Le Footballgate et d'autres scandales ont mis en lumière l'incapacité de la CJH à contrôler efficacement le secteur. Malgré les contributions des opérateurs de jeux, les entraves bureaucratiques et la dépendance vis-à-vis du SPF Justice empêchent la Commission de fonctionner à pleine capacité.
La CJH est à un tournant critique. Le secteur des jeux de hasard continue de croître, et avec lui, les risques associés. Sans une réforme structurelle et un renforcement des moyens humains et financiers, le régulateur belge ne pourra pas garantir une protection adéquate des joueurs. Les nouvelles législations, bien que nécessaires, risquent d'être inefficaces sans une CJH capable de les appliquer et de les contrôler. Les responsables politiques doivent agir rapidement pour redonner à la Commission les moyens de sa mission, essentielle pour un secteur en pleine mutation.