lundi 14 Juillet 2025
Le nouvel outil d'Aperçu IA de Google, déployé sur google.be, propose des résumés automatisés en réponse aux requêtes des internautes. Mais lorsqu'il s'agit des jeux de hasard, cet assistant intelligent se heurte à la législation belge. En tapant "top 10 casino", le moteur met en avant des plateformes illégales, dont certaines figurent sur la liste noire de la Commission des Jeux de Hasard (CJH).
Depuis 2024, Google teste en Belgique et dans plusieurs pays européens son outil d'Aperçu IA (ou "AI Overview" en anglais), qui affiche des résumés automatiques générés par intelligence artificielle en haut des pages de résultats. L'objectif : fournir une réponse directe et synthétique à la requête de l'internaute.
Mais lorsque l'on interroge google.be avec la requête "top 10 casino", le résultat proposé par l'IA pose un réel problème. En effet, le résumé généré liste dix casinos en ligne parmi les plus « populaires » ou « réputés », sans distinction de légalité. Parmi eux, sept opérateurs ne disposent d'aucune licence en Belgique, ce qui les rend strictement interdits à la population belge.
Voici le détail du classement proposé par l'IA de Google pour la Belgique :
À noter que certains d'entre eux figurent ou ont figuré sur la liste noire officielle de la CJH :
Ces sites, bien que mentionnés pour leurs "bonus attractifs" ou leur "fiabilité", ne répondent à aucun des critères légaux imposés par la loi belge sur les jeux de hasard. Leur promotion constitue dès lors un risque pour les joueurs, notamment en matière de protection des données, de non-respect des limites de jeu, et d'absence de recours en cas de litige.
La loi belge est pourtant très claire : seuls les casinos disposant d'une licence délivrée par la Commission des Jeux de Hasard peuvent proposer leurs services aux joueurs résidant en Belgique. Cette régulation vise à protéger les consommateurs contre les dérives du jeu problématique et les fraudes potentielles.
En mettant en avant des opérateurs illégaux, Google, via son assistant IA, favorise involontairement l'accès à des plateformes interdites, y compris à des mineurs ou à des joueurs auto-exclus via le système EPIS.
Ce cas illustre un défaut de filtrage de l'IA de Google selon les juridictions locales. Si l'intention est de proposer un résumé objectif basé sur la popularité ou les avis des internautes, l'absence de prise en compte des législations spécifiques (comme celle de la Belgique en matière de jeux de hasard) pose un véritable problème éthique et juridique.
En comparaison, les résultats « naturels » classiques du moteur de recherche sont davantage soumis à des politiques de référencement localisées, ce qui limite la visibilité des sites illégaux. Avec l'Aperçu IA, ce filtre semble avoir disparu.
Malgré la mention affichée par Google invitant les internautes à « vérifier les licences des casinos avant de vous inscrire », la plateforme se dédouane de toute responsabilité quant à la légalité des sites qu'elle promeut via son Aperçu IA. Ce choix éditorial soulève une problématique de fond : dans un domaine aussi sensible que les jeux de hasard - soumis à une législation stricte en Belgique -, il semble paradoxal que la vérification de la conformité juridique soit laissée à la charge des utilisateurs. En l'absence de filtrage automatique ou de priorisation des opérateurs agréés par la Commission des Jeux de Hasard, Google expose involontairement les internautes à des plateformes potentiellement illégales, contribuant ainsi à brouiller la frontière entre contenu autorisé et contenu illicite.
Alors que la Belgique a considérablement renforcé son arsenal législatif contre la publicité pour les jeux de hasard depuis l'arrêté royal du 27 février 2023 (entré en vigueur le 1er juillet 2023), cette faille dans les résultats d'un moteur aussi utilisé que Google devient préoccupante. Elle pourrait compromettre les efforts déployés par les autorités pour limiter l'exposition aux jeux de hasard, en particulier chez les jeunes.
Le cas des casinos en ligne n'est qu'un exemple parmi d'autres. Mais il met en lumière la nécessité urgente d'intégrer les contraintes juridiques locales dans les outils d'intelligence artificielle, notamment ceux déployés dans des services grand public comme Google Search.
Faute de quoi, les IA génératives risquent de devenir un nouveau vecteur de contournement des lois, au détriment des consommateurs. Une question que devront sans doute se poser très prochainement les autorités de protection des consommateurs, la CJH… et peut-être même le législateur.