vendredi 6 Juin 2025
Malgré le relèvement de l'âge légal à 21 ans et le durcissement de la publicité sur les jeux d'argent, les jeunes adultes belges ne boudent pas les paris et les jeux de hasard. Selon une nouvelle enquête commandée par la Commission des jeux de hasard, plus d'un jeune sur deux continue de jouer, souvent en ligne, et un sur quatre utilise des sites illégaux.
La Commission des jeux de hasard (CJH) a chargé l'institut DataSynergy d'interroger un millier de jeunes (1.001) âgés de 18 à 30 ans afin de dresser un état des lieux du jeu d'argent en 2025. Cette nouvelle enquête fait suite à plusieurs réformes majeures : depuis le 1er juillet 2023, la publicité pour les jeux d'argent est strictement encadrée, tandis que l'âge minimum pour participer à des jeux de hasard est passé de 18 à 21 ans en septembre 2024.
Résultat : ces mesures n'ont pas profondément modifié les habitudes. Plus de 53 % des 18-30 ans ont joué ou parié au moins une fois depuis septembre 2024. Une majorité déclare utiliser à la fois des sites web (34 %) et des établissements physiques (37 %), ce qui traduit une pratique hybride mais bien ancrée.
Fait marquant : bien que les jeux d'argent soient désormais interdits aux moins de 21 ans, 39 % des jeunes de 18 à 20 ans déclarent avoir participé à des jeux de hasard depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle législation. C'est moins qu'en 2023 (51 %), mais cela témoigne de limites en matière d'effectivité du contrôle.
La notoriété des sites de jeux reste élevée. 94 % des répondants reconnaissent au moins un site légal, mais 44 % reconnaissent également un site illégal lorsqu'on les y aide. Et 25 % des jeunes citent spontanément un site illégal ; une proportion qui grimpe à plus de 1 sur 4 parmi les utilisateurs effectifs.
Les hommes et les Bruxellois sont les plus exposés aux plateformes illégales. Les femmes et les Flamands, à l'inverse, sont davantage orientés vers les sites légaux. Ce clivage géographique et genré pourrait éclairer de futures actions ciblées.
Lorsqu'ils choisissent une plateforme, les jeunes privilégient d'abord les recommandations de leur entourage. Suivent la publicité sur les réseaux sociaux, puis la télévision. Malgré les restrictions imposées en juillet 2023, les canaux digitaux restent donc influents, et parfois difficiles à réguler, en particulier lorsqu'ils passent par les influenceurs ou le contenu sponsorisé non déclaré.
Si la Belgique a pris des mesures fortes en matière de régulation du secteur - publicité restreinte, relèvement de l'âge légal, conditions d'accès renforcées -, cette étude démontre que les effets sur les comportements des jeunes sont modérés. La stabilité des taux de participation, la fréquentation persistante des sites illégaux, et l'importance du bouche-à-oreille soulignent les limites d'une régulation centrée sur la contrainte légale, sans réel changement culturel.
La CJH devra sans doute revoir sa stratégie de prévention à destination des jeunes. Plus qu'un encadrement technique, l'enjeu semble aujourd'hui culturel et éducatif : comment rendre visibles les risques liés aux jeux d'argent dans un univers où l'illégalité est banalisée, l'information diluée et les règles contournables ? À cette question, l'enquête de DataSynergy apporte des éléments précieux, mais aussi un avertissement : restreindre sans sensibiliser risque d'être inefficace.