jeudi 11 Avril 2024
Le Soir vient de publier une compilation et une analyse intéressante sur les jeux de hasard en Belgique. Les communes les plus pauvres accueilleraient le plus d'établissements de jeux d'argent. Les opérateurs nient cependant tout ciblage intentionnel et invitent à nuancer les chiffres. De leur côté, les experts évoquent également les facteurs socio-économiques et psychologiques sans pour autant écarter la responsabilité de l'industrie.
Les communes avec un revenu annuel net imposable moyen de moins de 17.000 euros accueilleraient 10,5 licences contre 3.3 pour celles où les habitants gagnant plus de 23.000 euros. Pour Émir Kir, le bourgmestre de Saint-Josse, il s'agit d'une stratégie délibérée de la part des exploitants. « Il est clair que les quartiers et communes les plus modestes sont visés ». À noter que dans sa juridiction, on retrouve une salle de jeux automatiques, 6 agences de paris, 9 librairies proposant du jeu et 38 cafés avec des appareils à mises atténuées. Sa commune ne s'étend pourtant que sur 1,16 km2 et possède un des revenus moyens les plus bas avec 11.000 euros par habitant.
De leur côté, les opérateurs nient toute volonté de cibler les communes les plus pauvres. Selon Yannick Bellefroid, CEO de Ladbrokes et président de l'Union professionnelle des agences de paris, il faut voir au-delà des chiffres. Les établissements de jeux s'installeraient dans les lieux les plus fréquentés. Ils seraient en effet en quête de clientèle et surtout de visibilité. Cette thèse est soutenue par l'emplacement de la plupart des communes comptant le plus de salles. Il s'agit de territoires frontaliers qui profitent d'un grand flux de passage.
Dorian Verfaille, responsable des sites physiques pour Gaming1 (Circus et fournisseur de jeux pour un grand nombre d'opérateurs en ligne), de son côté, rappelle qu'ils sont soumis à un cadre législatif. Ils ne peuvent par exemple pas s'installer à côté de zones fréquentées par des jeunes. À cela, il faut ajouter les contraintes logistiques. Une salle de jeu a besoin de 500 à 700 m2 en moyenne. Enfin, les opérateurs rappellent que les 4 établissements situés dans le Brabant wallon ont dégagé 1 259 800 euros en 2022 tandis que les 48 du Hainaut ont engrangé 980 100 euros.
Sollicitée par Le Soir, Aurore Paligot, data analyst, la corrélation entre la pauvreté de la commune et la surabondance d'établissements de jeux n'est pas évidente. Il faut en effet tenir compte d'autres facteurs comme la densité de la population. Le tissu urbanistique est aussi à prendre en compte. Elle remarque d'ailleurs une concentration des salles dans les grands axes.
Pour le chercheur Gaëtan Devos, cependant, le danger reste réel. La surabondance d'établissements de jeux dans les communes modestes augmente le risque d'exposition au jeu et par corrélation, celui d'addiction. Il rappelle qu'en 2018, 30,8 % des Belges avaient joué au cours des 12 derniers mois. Cette pratique évolue d'ailleurs avec le niveau d'éducation, qui est quant à lui fortement lié à la situation socio-économique. Elle augmente jusqu'à la catégorie des diplômés du secondaire supérieur, passant de 20,6 à 35,7 %. Elle baisse ensuite dans l'enseignement supérieur, 30,1 %. Le budget réservé au jeu augmente également en fonction du niveau social. Il représente 2,6 % des revenus pour les plus éduqués contre 4,4 à 5,5 % pour les milieux peu favorisés.
Dans ce reportage, RTL Info rappelle également le chiffre inquiétant de 2.214 sites de jeux illégaux actifs en Belgique en 2023, recensés par Yield Sec, un bureau d'études.
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