vendredi 10 Octobre 2025
Après les révélations du Soir sur une possible fermeture de son réseau d'agences physiques, Ladbrokes confirme la gravité de la situation. L'opérateur de paris sportifs a ouvert une procédure Renault pour licencier 76 employés en Belgique. Les syndicats dénoncent un manque total de transparence et une absence de stratégie sociale, alors que le groupe Entain poursuit sa mutation vers le tout numérique.
Selon les informations concordantes du Soir, de L'Écho et des syndicats (CGSLB, CSC et FGTB), Ladbrokes Belgium a officiellement ouvert une procédure Renault ce jeudi 9 octobre 2025. Cette démarche vise à encadrer un plan de licenciement collectif touchant 76 employés, soit près de la moitié des effectifs de la société Derby SA, exploitante du réseau belge d'agences Ladbrokes.
Les représentants syndicaux déplorent un manque d'informations de la part de la direction :
À ce stade, aucune donnée concrète n'a été fournie sur les critères de licenciement, les alternatives envisagées ou les garanties de reclassement
dénoncent-ils dans un communiqué commun.
Selon eux, cette opacité viole l'esprit de la recommandation n°28 du Conseil national du Travail, qui impose la communication d'éléments détaillés dès l'ouverture de la procédure.
Les chiffres publiés dans L'Écho confirment la gravité de la situation.
Ces difficultés s'inscrivent dans un contexte de basculement structurel du marché des paris : la fréquentation des agences physiques s'effondre, tandis que le canal en ligne poursuit sa croissance spectaculaire.
En quelques années, Ladbrokes a déjà réduit son réseau de 310 à 190 points de vente, dont 50 fermetures en 2024. Cette contraction s'accompagne de coûts de restructuration élevés et d'une érosion du chiffre d'affaires offline.
Comme le souligne Le Soir, les chiffres de la Commission des Jeux de Hasard (CJH) illustrent cette mutation profonde :
Les confinements liés au Covid-19 ont durablement changé les habitudes des joueurs. Beaucoup ont migré vers les plateformes numériques et n'ont pas repris leurs habitudes en agence.
Cette transition accélérée a fragilisé l'ensemble du modèle économique des opérateurs B+, dont Ladbrokes reste le principal acteur sur le segment des paris physiques.
Pour les syndicats, la restructuration annoncée ne se résume pas à un simple ajustement économique :
« C'est une véritable catastrophe humaine », dénonce le front commun. « Des travailleuses et travailleurs investis depuis des années dans un secteur déjà fragilisé se retrouvent aujourd'hui face à l'incertitude la plus totale. »
Ils fustigent une "absence criante de stratégie sociale", dénonçant un plan de réduction drastique sans perspective de reconversion ni vision claire de l'avenir du personnel.
« Ladbrokes affirme avoir examiné toutes les options, mais on dirait que le sort des travailleurs n'a jamais fait partie du ticket gagnant », ironise un délégué syndical cité par L'Écho.
Malgré l'ampleur des pertes, la maison mère britannique Entain PLC (qui gère également bwin) a réaffirmé en mars 2025 son soutien financier "inconditionnel et irrévocable" à sa filiale belge, afin de lui permettre de respecter ses obligations légales et opérationnelles.
Ce soutien exclut tout risque immédiat de faillite, mais ne garantit pas la pérennité du réseau physique, dont la rentabilité est en chute libre.
En revanche, la branche en ligne de Ladbrokes se porte bien : le rapport annuel évoque un EBITDA de 10,2 millions d'euros en 2024, soit près du quadruple de celui de 2022.
Ce contraste illustre la priorité stratégique désormais accordée au digital, alignée sur la trajectoire du groupe Entain, également propriétaire de bwin et BetFirst en Belgique.
Si aucune décision officielle n'a encore été prise concernant la fermeture totale du réseau d'agences, la tendance semble irréversible.
Entre la pression fiscale, les pertes accumulées et le déplacement massif des joueurs vers le numérique, le modèle traditionnel du pari en point de vente semble condamné.
Ladbrokes, pionnier historique du pari sportif en Belgique depuis plus d'un demi-siècle, pourrait ainsi tourner une page majeure de son histoire - au détriment de 76 employés, de dizaines d'indépendants franchisés et de milliers d'habitués attachés à leurs agences de quartier.