jeudi 5 Décembre 2024
Accusé d'avoir utilisé les jeux de hasard pour blanchir des fonds, Didier Reynders, ancien ministre belge et ex-commissaire européen, est au cœur d'une enquête judiciaire retentissante. Cette affaire met en exergue une méthode bien connue mais toujours efficace : le blanchiment d'argent par les jeux de hasard.
L'affaire Didier Reynders, révélée en décembre 2024, secoue le paysage politique belge. L'ancien ministre des Finances et ex-commissaire européen à la Justice est accusé d'avoir blanchi d'importantes sommes d'argent à travers l'achat de billets de loterie. Selon les enquêteurs, il aurait régulièrement utilisé des espèces pour acheter des tickets, dissimulant ainsi l'origine illicite de fonds. Les gains issus de ces jeux auraient ensuite été transférés sur son compte bancaire personnel.
Cette méthode, bien que rudimentaire, s'avère efficace pour blanchir des fonds, explique Magali Clavie, présidente de la Commission des jeux de hasard (CJH). Elle souligne que « miser sur des jeux de hasard avec de l'argent noir, même à perte, permet de récupérer une partie des fonds sous une forme légitime ».
Le fonctionnement de cette technique repose sur un principe simple. Une personne disposant d'argent sale peut miser cet argent sur des jeux de hasard. Même si le retour sur investissement est inférieur à la mise initiale, l'argent récupéré est désormais "propre". Par exemple, en misant 100 euros d'argent noir sur des tickets de loterie, un joueur peut espérer récupérer environ 60 à 70 euros en gains nets, selon les statistiques fournies par la Loterie nationale. Magali Clavie rappelle que cette méthode, bien que peu sophistiquée, est couramment utilisée depuis des décennies. Cependant, son efficacité dépend du type de jeu et du pourcentage de retour aux joueurs. Les jeux à gratter, comme le "Win for Life", offrent des taux de retour allant jusqu'à 78 %, ce qui les rend particulièrement prisés par les criminels.
La Cellule de traitement des informations financières (Ctif) a identifié une hausse des cas de blanchiment liés aux jeux de hasard. En 2022, elle a reçu 292 signalements d'opérateurs du secteur. En 2023, ce chiffre a dépassé les 300 pour la première fois. La majorité de ces signalements provient des casinos et des opérateurs privés, et non de la Loterie nationale, considérée comme un acteur à faible risque. Cette dernière a signalé un seul cas suspect en cinq ans, en 2022, précisément dans le cadre de l'affaire Didier Reynders. Selon la Loterie nationale, les limites imposées aux dépôts sur les comptes joueurs réduisent les risques de blanchiment via leurs jeux.
Malgré les efforts des autorités et des régulateurs, le secteur des jeux de hasard reste vulnérable. Les mécanismes actuels ne suffisent pas toujours à détecter les transactions suspectes, notamment lorsque des montants modestes sont impliqués, comme dans l'affaire Reynders. Cette situation interpelle sur la nécessité de renforcer les contrôles, même pour des opérateurs jugés à faible risque comme la Loterie nationale.
L'affaire Didier Reynders relance le débat sur la régulation des jeux de hasard en Belgique. Si la méthode utilisée semble presque archaïque, elle met en lumière des failles dans le système de surveillance. Les experts appellent à une vigilance accrue et à un durcissement des mécanismes de contrôle pour contrer ce phénomène. En attendant, l'enquête suit son cours, et le rôle de Didier Reynders dans cette affaire reste à clarifier. Ce scandale, s'il venait à être confirmé, pourrait marquer un tournant dans la lutte contre le blanchiment d'argent par les jeux de hasard.