jeudi 8 Avril 2021
La crise sanitaire a profondément changé le quotidien des Belges. Elle a mis un coup de frein à l'économie et à la vie sociale. Une étude menée par Eurotox, l'Observatoire socio-épidémiologique alcool et drogues en Wallonie, vient cependant de dévoiler une autre dimension de la pandémie. Celle-ci aurait exacerbé l'ensemble des addictions des belges notamment durant le confinement.
Le confinement est le principal outil de lutte contre la pandémie. Il permet de limiter les interactions sociales ce qui réduit les risques de contamination. Malheureusement, il semble avoir une multitude d'inconvénients. Si celles-ci étaient surtout d'ordre financier, plusieurs enquêtes montrent qu'elles relèvent aussi du domaine psychologique. Le confinement aurait en effet exacerbé les addictions des Belges. Cette tendance a été mise en lumière par Eurotox. Elle avait déjà été évoquée par des enquêtes réalisées par Sciensano et diverses universités. Les résultats étaient cependant biaisés puisqu'ils étaient basés sur un sondage par internet. Eurotox, de son côté, s'est concentré sur les 29 services bruxellois spécialisés en assuétudes. L'étude a été menée du 29 janvier au 12 février 2021. Elle montre une augmentation significative des demandes d'aide. Cette hausse est telle qu'elle a abouti à la saturation des services. D'après le chargé de projet d'Eurotox, cette tendance s'explique en partie par la promiscuité imposée par le confinement. Les dépendants ont en effet eu plus de mal à dissimuler leur vice à leurs proches ce qui aurait exacerbé les tensions familiales.
L'étude d'Eurotox montre que 44 % des services sondés ont observé une forte augmentation des cas d'addiction liés à l'alcool. Concernant le tabac, les rechutes chez les abstinents ont aussi augmenté à cause notamment de la fermeture des commerces. L'élément le plus inquiétant concerne cependant la consommation de drogues dures. Celle-ci aurait été stimulée par la souffrance psychologique liée au confinement et à la peur du virus. Quant aux jeux d'argent, ils ont aussi connu une hausse durant le confinement. 14,6 % des pratiquantes et 19,3 % des joueurs ont dépensé plus que d'habitude lors de cette période. Enfin, une étude menée par Modus Vivendi en collaboration avec Eurotox a montré une hausse de la consommation de produits psychotropes. Celle-ci serait due aux soirées clandestines qui se sont déroulées pendant le confinement. 6,5 % des sondés y ont pris part à plus de 5 reprises et un tiers affirme y avoir consommé de plus grandes quantités de psychotropes que d'habitude.
D'après Eurotox, les bénéficiaires des services spécialisées en addiction sont surtout des personnes en difficultés sociales ou économiques. Elles souffriraient aussi de maladies mentales, d'isolement ou de dépression. D'autres facteurs participeraient également à favoriser un état propice à l'addiction. Les changements liés aux méthodes de travail figurent parmi ceux-ci. La peur de perdre son emploi est également un autre paramètre important couplé à la perte de contacts avec les collègues. Eurotox tire la sonnette d'alarme. L'augmentation des addictions serait une bombe à retardement. Sans mesure efficace, cela pourrait conduire à une explosion sociale. Eurotox redoute notamment une hausse des violences familiales et des inégalités sociales. Pour court-circuiter le dispositif, la solution reposerait en partie sur une meilleure prise en charge. Pour cela, il est nécessaire d'améliorer l'aide en ligne et la détection des cas d'addiction. Une vaste campagne de communication visant à sensibiliser le grand public serait aussi une piste à creuser.