mercredi 17 Septembre 2025
Lors d'une audition en commission des Finances de la Chambre, rebaptisée pour l'occasion « commission Reynders », les banques belges ont détaillé leurs dispositifs de lutte contre le blanchiment. ING, directement visée dans le dossier, a suscité la plus grande attention, sans parvenir à dissiper les doutes sur son inertie face aux dépôts suspects de Didier Reynders.
Ce mardi, la commission des Finances de la Chambre a entendu les principaux acteurs bancaires belges sur la prévention du blanchiment de capitaux. Rebaptisée officieusement « commission Reynders », cette séance faisait écho aux révélations récentes mettant en cause l'ancien ministre Didier Reynders et sa banque, ING Belgique. Si aucun intervenant n'a explicitement prononcé son nom, c'est bien l'ombre de cette affaire qui a plané tout au long des débats.
La prise de parole des représentants d'ING était la plus scrutée. Cédric Lebegge, responsable de la clientèle particulière, et Olivier De Maesschalck, chef de la conformité, ont décrit un dispositif antiblanchiment présenté comme robuste : alertes automatisées, mises à jour régulières des scénarios de détection et supervision par un AMLCO (chief anti-money laundering officer), censé agir en toute indépendance vis-à-vis du management.
ING Belgique a rappelé qu'elle surveille près de 3 millions de clients et traite environ 8 milliards de transactions chaque année. Parmi eux, quelque 20.000 clients présentent un profil à risque accru, dont 2.100 personnes politiquement exposées (PEP). Ces profils, jugés sensibles, sont censés être l'objet d'une vigilance renforcée, avec demandes d'informations complémentaires et contrôles spécifiques.
C'est précisément sur ce point que les députés ont concentré leurs critiques. Comment expliquer qu'un PEP de premier plan ait pu déposer environ 700.000 euros en cash entre 2008 et 2018 sans déclencher de signalement rapide à la Cellule de traitement des informations financières (Ctif) ?
Olivier De Maesschalck a insisté sur la nécessité de replacer les décisions passées dans leur contexte : « La lutte contre le blanchiment, qui est une priorité absolue pour ING, dépend d'un facteur humain. Lorsqu'on analyse les décisions du passé, il faut toujours se replacer dans les informations disponibles à l'époque, et non à la lumière de ce que l'on sait aujourd'hui. »
Mais ces explications n'ont pas levé les doutes. Selon les informations révélées par Le Soir, ING avait interrogé Didier Reynders en 2018 sur ses dépôts cash, mais n'a pas transmis de déclaration à la Ctif. Pire, après 2019 et l'apparition publique d'accusations de corruption, la banque n'a toujours pas révisé sa position. Ce n'est qu'en 2023, après l'ouverture d'une enquête judiciaire permise par la dénonciation de la Loterie nationale, qu'ING a signalé ces dépôts suspects.
Face à cette inertie, les réactions parlementaires ont été vives. Le socialiste Khalil Aouasti a dénoncé l'absence de critériologie claire dans la définition des PEP : « On peut contrôler une petite ASBL de stérilisation de chats, et dans le même temps laisser passer dix ans de dépôts suspects d'un ministre sans bouger. »
De son côté, Sofie Merckx (PTB) a résumé le malaise : « Vous avez tous parlé des PEP, du cash qui est suspect par nature, et des délais de signalement. Alors toute cette histoire Reynders laisse un sentiment bizarre. »
Cette audition, loin de clore le débat, souligne l'écart entre les dispositifs affichés et leur application concrète. Pour l'opposition, la lenteur d'ING s'apparente à une mansuétude envers une personnalité politique de premier plan. Pour la majorité, la nécessité d'une transparence accrue reste évidente.
L'« affaire Reynders » continue donc d'alimenter à la fois l'enquête judiciaire, les interrogations parlementaires et un malaise croissant quant à la capacité du système bancaire belge à traiter de manière impartiale les risques liés aux personnes politiquement exposées.