jeudi 18 Août 2022
Depuis l'annonce de l'adoption du projet de loi rédigé par le ministre de la Justice, la guerre semble déclarée entre le secteur privé et la Loterie Nationale. Pour rappel, le texte vise à interdire la publicité pour les jeux d'argent afin de renforcer la protection des joueurs et la lutte contre l'addiction. Toutes les formes de promotion sont touchées ainsi que tous les opérateurs du marché à une exception, la Loterie nationale. Le secteur privé dénonce le « deux points, deux mesures » qu'ils constatent depuis longtemps en faveur de la société d'État. Emmanuel Mewissen, CEO de Gaming 1 et vice-président de Bago, est monté au créneau. Il a vite été rejoint par le CEO de Ladbroks Belgium, Yannick Bellefroid qui a choisi la voie juridique avec une requête en annulation contre l'État belge.
Emmanuel Mewissen est le CEO de Gaming 1, un opérateur influent en Europe et en Belgique qui gère des casinos, des salles de jeux ainsi que des sites de paris sportifs. L'homme est également vice-président de Bago, l'association qui défend les intérêts des opérateurs privés. Il dénonce aujourd'hui les mesures prises par le gouvernement contre le jeu et le secteur légal. Selon lui, l'interdiction totale de la publicité risque de favoriser l'essor du marché illégal. Les opérateurs étrangers ont en effet plus de liberté ainsi qu'un potentiel marketing infiniment plus élevé surtout en ligne. À la place, il propose un renforcement des dispositifs déjà en place afin de miser sur la sensibilisation. Ses équipes travailleraient déjà d'ailleurs sur une intelligence artificielle qui identifie les comportements à risque et les changements d'habitude chez les joueurs.
Emmanuel Mewissen a également tenu à signaler tous les efforts déployés par l'ensemble du secteur pour réduire la présence de la publicité et optimiser la protection des joueurs. Lors de l'Euro, par exemple, les bookmakers ont arrêté leurs opérations de promotion dès les quarts de finale. Ils ont également financé une campagne pour le jeu responsable, une première en Europe selon le CEO de Gaming1. À cela il faut ajouter la récente adoption de limites de dépôts hebdomadaires pour les joueurs en ligne. S'il est contre l'interdiction totale, Emmanuel Mewissen se dit cependant ouvert à la suppression de certains canaux. Selon lui, le secteur pourrait se limiter à la publicité en ligne pour contrer les sites illégaux et au sponsoring pour assurer sa visibilité tout en soutenant le sport.
En parallèle, le CEO de Gaming 1 dénonce le traitement spécial dont bénéficie la Loterie nationale. Celle-ci échappe en effet à l'interdiction de la publicité. De plus, elle jouit d'un statut particulier qui lui permet de profiter d'une régulation sur mesure. Enfin, Emmanuel Mewissen déplore la présence de la Loterie nationale au sein de la Commission des jeux de hasard. Pour lui, la société d'État est aujourd'hui juge et partie puisqu'elle peut influencer les règles qui régissent le secteur tout en étant acteur sur celui-ci. La situation est d'autant plus surprenante lorsque l'on sait qu'elle est de loin le plus gros annonceur.
Si Emmanuel Mewissen a choisi la voie du dialogue, Yannick Bellefroid a quant à lui tranché pour l'option juridique. Le CEO de Ladbrokes Belgium vient en effet d'introduire une requête en annulation contre l'État belge. Celle-ci porte sur la nomination de membres de la Commission des jeux de hasard par le ministre en charge de la Loterie nationale. Pour lui, il s'agit d'un conflit d'intérêts majeur. Il dénonce également la diabolisation du jeu et le traitement des joueurs. Le gouvernement souhaite en effet ficher tous les joueurs qui choisissent de placer un pari dans une agence. « Je ne suis pas d'accord qu'un joueur qui vient jouer une fois 5 euros dans une agence se retrouve fiché durant 10 ans. Comme un criminel ! » Selon lui, la mesure est complètement disproportionnée et comporte une multitude de risques. Enfin, Yannick Bellefroid dénonce l'incohérence entre le manque d'expérience de la Loterie nationale et le fait qu'elle échappe à tout contrôle en matière de pub et de protection des joueurs. A noter que Ladbrokes est également en recours devant le Conseil d'Etat, la Cour Constitutionnelle et l'Autorité de protections des données.